Extrait du livre « Au-delà du silence » de Souleymane Boel au coeur de la résistance palestinienne.

Cela marquait un tournant dans la carrière artistique d’Imran. Les fresques murales n’étaient plus seulement des actes de résistance, mais aussi des déclarations audacieuses de sa propre identité et de son engagement envers la lutte de son peuple. Le nom « صامت » (Saamat), qui signifiait « le muet », n’était plus simplement une référence à son incapacité de parler, mais aussi un symbole de sa capacité à faire résonner sa voix à travers l’art et l’action.

Les fresques d’Imran continuaient d’apparaître dans toute la ville, chacune d’elles portant un message puissant et un récit de la réalité palestinienne. Certaines représentaient des scènes quotidiennes de résistance pacifique, comme une femme palestinienne cultivant la terre malgré les obstacles imposés par l’occupation. D’autres mettaient en avant des moments de solidarité et de fraternité entre les Palestiniens, montrant comment la communauté se soutenait mutuellement face à l’adversité.

La notoriété d’Imran grandissait, et avec elle, son influence. Ses fresques étaient devenues des points de ralliement pour les Palestiniens, des lieux où l’on pouvait se rassembler, se connecter et partager des histoires. Les discussions qui se formaient autour de ses œuvres étaient autant de façons de renforcer la résistance et de construire un sentiment de fierté.

Malgré la répression croissante de l’occupation, Imran n’avait pas l’intention de s’arrêter. Il savait que son art était un moyen de raconter des histoires invisibles, de défier l’injustice et d’inspirer l’espoir. Chaque coup de pinceau était une manifestation de sa détermination à faire entendre la voix de son peuple.

Cependant, avec une visibilité accrue venait également un risque accru. Les soldats de l’occupation étaient plus vigilants, cherchant à mettre fin à la dissidence artistique d’Imran. Des descentes de police se multipliaient, avec pour objectif de détruire les fresques et d’arrêter les artistes derrière elles. Mais Imran et ses camarades ne se laissaient pas intimider.

Lorsqu’une de ses fresques les plus percutantes, représentant des enfants palestiniens lançant des ballons colorés par-dessus le mur de séparation, fut vandalisée par des colons extrémistes, Imran réagit avec détermination. Plutôt que de laisser leur haine détruire son message, il décida de transformer les tags haineux en une nouvelle œuvre d’art. Il incorpora les graffitis en y ajoutant des couleurs vives, transformant ainsi l’acte de vandalisme en un symbole de résilience.

La créativité et la persévérance d’Imran étaient devenues une source d’inspiration pour toute une génération. Les jeunes artistes se joignaient à lui pour peindre les murs, créant une mosaïque d’expressions artistiques qui reflétait la diversité et la force du peuple palestinien. Ensemble, ils construisaient une histoire visuelle de leur lutte et de leur espoir.

Les médias locaux et internationaux commencèrent à couvrir les œuvres d’art d’Imran et les récits de sa détermination à défier l’occupation à travers l’art. Son histoire se répandait bien au-delà de Jénine, atteignant des personnes du monde entier. Des soutiens et des messages de solidarité affluaient, montrant qu’Imran n’était pas seul dans sa quête.

Alors que le mouvement artistique de résistance gagnait en ampleur, les autorités de l’occupation intensifièrent leurs efforts pour réprimer la dissidence. Des arrestations arbitraires, des intimidations et des actes de violence étaient utilisés pour tenter de briser la détermination des artistes. Imran lui-même fut arrêté et emprisonné à plusieurs reprises pour son implication dans le mouvement.

Cependant, chaque épreuve ne faisait que renforcer sa résolution. Les mois et les années passèrent, mais Imran continuait de peindre, de créer et d’inspirer. Ses fresques murales étaient devenues une forme de résistance non violente, une arme puissante pour défier l’occupation et élever la voix de son peuple.

Le mouvement artistique de résistance qu’Imran avait contribué à inspirer devint finalement l’une des caractéristiques centrales de la lutte palestinienne. Les fresques murales, les chansons, les poèmes et d’autres formes d’expression artistique étaient devenus des outils essentiels pour documenter l’histoire, préserver la culture et défendre la justice. Et l’héritage d’Imran, du jeune artiste muet, vivait à travers chaque trait de pinceau et chaque éclat de couleur sur les murs de la Palestine.

Les années avaient passé depuis qu’Imran avait commencé sa lutte artistique pour la justice et la liberté de son peuple. Chaque coup de bombe de peinture avait été un acte de résistance, une étreinte silencieuse à sa terre et à son peuple. Mais alors que ses fresques murales se multipliaient, que son influence grandissait et que sa voix artistique se faisait entendre dans le monde entier, quelque chose de profondément inattendu était sur le point de se produire.

Un matin, alors que les rayons du soleil éclairaient doucement les ruelles de Jénine, Fawzi arriva précipitamment chez Imran. Son visage exprimait une excitation mêlée d’appréhension. Il trouva Imran en train de peindre une nouvelle fresque, sa bombe de peinture glissant sur le mur avec une concentration intense. Fawzi attendit un instant, puis prit une grande inspiration pour briser le silence qui planait autour d’Imran.

« Imran, » dit-il doucement, sa voix portant une nouvelle lueur d’espoir, « il y a quelque chose que je dois te dire. »

Imran se tourna vers Fawzi, ses yeux curieux mais attentifs. Il déposa doucement sa bombe de peinture et attendit que Fawzi continue.

« L’avocate Layla Khalidi que tu as rencontrée hier, elle a obtenu quelque chose de vraiment incroyable, » commença Fawzi d’une voix chargée d’émotion. « Elle a réussi à faire en sorte que tu sois appelé à témoigner devant la Cour internationale des droits de l’homme. Ils veulent entendre ta voix, ton témoignage sur ce que tu as vécu, sur les atrocités que tu as vues. »

Imran fixa Fawzi, ses yeux s’élargissant lentement alors qu’il assimilait les mots prononcés. Puis, soudainement, une cascade d’émotions submergea Imran. Les souvenirs refoulés depuis des années affluèrent à la surface de sa conscience, la douleur, la perte, la colère et le silence qu’il avait porté en lui si longtemps.

Un bruit étranglé échappa à sa gorge. C’était comme si les émotions contenues depuis si longtemps cherchaient enfin à s’exprimer. Mais ce n’était pas un simple bruit. C’était un cri brut, un rugissement primal, une explosion de douleur contenue et d’espoir inattendu. Imran poussa un beuglement puissant, une libération cathartique qui semblait ébranler les murs autour d’eux.

Fawzi recula légèrement, surpris par l’intensité du cri, mais il comprit immédiatement ce qu’il signifiait. Il était le témoin de quelque chose de profondément personnel et significatif. Fawzi se reprit rapidement et, avec une tendre compréhension dans ses yeux, il se tourna vers l’avocate qui les avait rejoints.

L’avocate Layla Khalidi les observa, sa propre émotion à fleur de peau. Elle écouta attentivement alors que Fawzi expliquait la signification du cri d’Imran, le traumatisme qui avait volé sa voix huit ans plus tôt.

Fawzi se tourna ensuite vers Imran et dit : « Imran, l’avocate Layla est ici pour t’écouter, pour te soutenir. Elle veut que le monde entende ton histoire, ta voix. »

Imran rencontra le regard bienveillant de l’avocate Layla Khalidi, son cœur battant la chamade. Ses lèvres s’agitèrent pour former un mot, mais aucun son n’en sortit. Il ressentait à la fois la peur et l’espoir, un mélange complexe d’émotions qui lui étreignait la gorge.

L’avocate Layla s’approcha doucement, sa voix empreinte d’une chaleur réconfortante. « Imran, je comprends que cela puisse être écrasant. Mais tu n’es pas seul. Nous sommes ici pour te soutenir, pour t’aider à retrouver ta voix à nouveau. Et si tu choisis de témoigner, nous serons à tes côtés à chaque étape du chemin. »

Imran fixa l’avocate Layla, ses yeux brillants d’émotion. Il se sentait vulnérable, exposé, mais aussi encouragé par les paroles compatissantes de l’avocate. Lentement, il hocha la tête, un geste timide mais significatif.

Les jours qui suivirent furent empreints d’une tension et d’une attente palpables. Imran se préparait mentalement à ce nouveau chapitre de sa vie, tandis que l’avocate Layla travaillait sur les détails logistiques pour le procès. Les amis et les membres de la communauté se rassemblaient autour d’Imran, offrant leur soutien silencieux mais solidaire.

Enfin, le jour du procès arriva. Imran se tenait devant la Cour internationale des droits de l’homme, son regard fixé sur les juges et les avocats qui attendaient ses mots. L’avocate Layla Khalidi était à ses côtés, une présence réconfortante dans cet environnement étranger.

Alors que le moment de témoigner approchait, Imran sentit un mélange d’émotions l’envahir. L’anxiété et la peur se mêlaient à l’excitation et à la détermination. Il savait que ses mots pourraient faire la différence, qu’ils pourraient contribuer à la quête de justice pour son peuple.

Et puis vint le moment. Imran prit une profonde inspiration, sentant un soutien invisible de sa communauté derrière lui. Il ouvrit la bouche, et pour la première fois en huit longues années, des mots sortirent. Sa voix était faible au début, mais elle prit rapidement de la force. Chaque mot était chargé d’émotion, chaque phrase portait le poids de sa propre expérience et de celle de son peuple.

Imran raconta son histoire, les souvenirs douloureux du bombardement qui avait tué sa famille, les années de silence qui avaient suivi, et comment il avait trouvé la guérison à travers l’art et la résistance. Sa voix, autrefois réduite au silence, remplissait maintenant la salle d’audience de sa vérité.

Les mots d’Imran résonnaient avec une puissance incroyable, touchant tous ceux qui l’écoutaient. Les juges

Extrait du livre « Au-delà du silence » de SSouleymane Boelsortie janvier 2024

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